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L’argumentaire final de André Chassaigne pour rejeter le projet de loi
Profiterez-vous donc de la révision constitutionnelle pour supprimer toutes les motions de procédure, dont vous venez ainsi de démontrer l’inutilité ? Plus que jamais, alors même que le Gouvernement prétend renforcer les pouvoirs du Parlement, les députés sont considérés comme de vulgaires godillots !
Le Gouvernement a ainsi traité par le mépris les doutes légitimes des députés quant à l’utilité des OGM, dont le projet autorisera de fait largement la mise en culture.
En effet, loin de se contenter d’encadrer la culture des OGM, le texte la libéralise, aidant ainsi l’industrie agroalimentaire à faire main basse sur le monde paysan. Il porte tout entier la marque de l’agrobusiness ! Ainsi, il rend le producteur seul responsable d’une éventuelle contamination de cultures conventionnelles par des OGM, dédouanant entièrement les semenciers et les distributeurs.
Les dispositions relatives au Haut Conseil des biotechnologies, censé réguler la mise en culture, révèlent la dépendance du système à l’égard de ces firmes.
Ainsi nos assemblées ont-elles refusé au Haut Conseil les moyens humains et financiers propres à assurer l’indépendance de son expertise, l’empêchant en outre de confier en priorité les évaluations aux organismes de recherche publique. En somme, l’évaluation pourra être déléguée, en partie ou entièrement, aux firmes privées.
Quant à la désignation des membres du Haut Conseil, elle se distingue par son opacité. À cet égard, le rejet de l’un de nos amendements, qui eà »t obligé les membres du Haut Conseil à attester sur l’honneur n’avoir entretenu, au cours des cinq années précédant leur nomination, aucun lien professionnel ou financier avec un organisme privé produisant, commercialisant ou utilisant des OGM, est à lui seul un aveu !
De même, le traitement du problème des essais en plein champ prépare la mainmise de l’agroindustrie sur la recherche agricole.
Ainsi le rejet de mon amendement proposant d’autoriser, à titre exceptionnel, les seules disséminations volontaires émanant d’instituts de recherche publics et visant à prendre la mesure du risque environnemental montre-t-il que le Gouvernement entend généraliser les essais en plein champ des firmes multinationales à seule fin de garantir aux actionnaires la rentabilité.
En outre, le texte ne prévoit aucun contre-pouvoir démocratique représentant la population et les producteurs.
Ainsi le projet de loi adopté en première lecture donne-t-il aux conclusions du comité scientifique du Haut Conseil, comité dont l’indépendance - on l’a vu - n’est rien moins qu’assurée, la primauté sur les simples recommandations du comité économique, éthique et social.
En somme, la question de l’utilité d’un OGM, qu’il revient à ce dernier de soulever, ne sera prise en considération qu’en second lieu. Il est vrai qu’il n’est guère utile de s’en préoccuper, dès lors que c’est l’agrobusiness qui détermine les objectifs...
De plus, la composition même du second comité souffre de lacunes : la participation des syndicats agricoles représentatifs, des secteurs recourant à des modes de production spécifiques sous signe officiel de qualité n’est pas garantie.
De même, en tournant le dos à la proposition unanime de l’intergroupe « OGM  » du Grenelle de l’environnement, qui suggérait de permettre à toute personne, quel que soit son statut juridique, de saisir directement le Haut Conseil de toute question touchant à son domaine de compétence, le texte opère une régression par rapport à la Commission du génie biomoléculaire.
Quant aux deux phrases ajoutées par le Sénat à l’amendement que j’avais fait adopter en première lecture afin de protéger du développement des OGM les filières de production et de commercialisation qualifiées « sans OGM  », la première dispose que « la définition du "sans organismes génétiquement modifiés" se comprend nécessairement par référence à la définition communautaire  » ; or celle-ci n’existe pas, et rien n’oblige un État membre à confier à la réglementation européenne la définition du « sans OGM  » ! Cet ajout n’est donc qu’un leurre.
Quant à la seconde, elle précise que « dans l’attente d’une définition au niveau européen, le seuil correspondant sera fixé par voie réglementaire, sur avis du Haut Conseil des biotechnologies, espèce par espèce  ».
Faut-il comprendre que, pour la première fois, la France envisagerait de fixer un seuil du « sans OGM  », qui permettrait de circonscrire le domaine d’application de la procédure d’autorisation visée à l’article 2 ?
Le projet de loi ne disant mot de ce seuil, l’adoption de cette disposition obligerait alors à le définir, soit en l’identifiant au seuil de détectabilité, choix conforme à la réalité, à la cohérence scientifique et à la définition retenue par la DGCCRF ; soit au profit d’un autre seuil, tel le fameux seuil de 0,9%... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Monsieur Jacob, il faudrait vous donner un porte-voix, mais je me demande de qui vous vous faites le porte-parole ! L’adoption de ce dernier seuil donnerait lieu à une situation absurde, les produits réputés « sans OGM  » en contenant en réalité.
En somme, le sous-amendement du Sénat n’est-il qu’une disposition d’affichage vouée à rester lettre morte, ou à être appliquée avec un laxisme qui permet tous les abus ?
Vous l’aurez sans doute compris : je trouve ce texte nuisible pour l’essentiel et inabouti pour le reste Comme je l’ai fait la semaine dernière en défendant mon excellente question préalable, je souhaite par conséquent qu’il soit retravaillé et examiné sous une autre forme.
Je vous invite à vous mettre au diapason des Français, lesquels rejettent massivement ce projet. En le repoussant, vous voterez en accord avec votre conscience
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