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Communiqués D’André Gailing ; Maire de Coulommiers 1977- 1980 >
Pour comprendre le dépôt de bilan et la perspective inquiétante de l’entreprise industrielle la plus importante de Coulommiers " BRODARD GRAPHIQUE " j’ai cherché à me documenter et j’avoue avoir été de surprise en surprise.
Lorsqu’en 1999, le groupe Maury Imprimeur devient propriétaire de Brodard Graphique, on peut légitimement y voir un aspect positif : le groupe est en pleine ascension, les projets sont ambitieux et les investissements programmés sont rassurants. De plus l’histoire de la société Maury n’est pas sans ressembler à celle de Brodard : une origine au XIXème siècle à Millau dans l’Aveyron, une croissance longtemps modeste mais une pérennité sur des dizaines d’années, une identité familiale, une gestion longtemps considérée comme prudente et solide. Les activités du groupe sont essentiellement dans l’industrie graphique.
Le groupe Maury Imprimeur ce sont six sites industriels. Les deux plus importants sont dans le Loiret à Malesherbes et à Manchecourt -1200 personnes-, Brodard Graphique à Coulommiers est le troisième en taille. S’ajoutent Roto Impression à Lognes (160 personnes), Normandie Roto Impression à Lonrai dans l’Orne (150 personnes) et Key Graphic à Paris (25 personnes) ; enfin la « maison mère  » à Millau emploie environ 40 personnes. Ce groupe était en 2008 le 3ème groupe français et employait environ 2000 personnes. Brodard Graphique n’avait cessé depuis plusieurs années de monter dans le classement des imprimeries de labeur françaises, 23ème en 2007, 17ème en 2008. Les déclarations de son PDG étaient il y a à peine deux ans optimistes, il prévoyait de poursuivre un programme d’investissement en outillage de l’ordre de 25 millions d’euros par an alors que le chiffre d’affaire consolidé du groupe dépassait 250 millions d’euros.
La liste des publications imprimées par le groupe est impressionnante : les Pages Jaunes, les magazines Paris-Match, L’Express, Le Point, La Vie, Courrier International, 20 Minutes, Elle, L’Usine Nouvelle, Le Moniteur des travaux publics, La France Agricole, Biba, Modes et Travaux, Choc, Entrevue, FHM, Télépoche, Télé 7 Jours, Art et Décoration...des livres comme les dictionnaires Le Petit Robert ou Quid, le Vidal de nos médecins et de nos pharmaciens, la collection Bouquins ou celle, prestigieuse de la Pléïade, les guides Michelin -à Coulommiers- les livres de poche J’ai Lu, les BD de Glénat...et aussi des catalogues importants pour Jet Tours, le Club Méditerranée, les guides du groupe Accor (Novotel, Sofitel, Mercure,Ibis, Formule1) et pour le monde de l’industrie, par exemple le catalogue Legrand pour l’électrotechnique. Cette liste n’est pas exhaustive et montre l’ampleur des travaux du groupe.
De 1999 à 2008, l’entreprise Brodard Graphique est modernisée et des investissements conséquents plus de 60 millions d’euros- sont réalisés. Il y a encore peu de temps tous ceux qui allaient vers les activités commerciales de la zone industrielle pouvaient remarquer d’importants travaux d’agrandissement.
Comment est-on passé d’une situation aussi positive au placement en redressement judiciaire et à un plan de licenciement concernant près d’une centaine de salariés, soit près de la moitié des emplois permanents ? Le plus important site internet des industries graphiques titre « Coup de tonnerre dans le monde de l’imprimerie et de la presse  ».
En fait, les industries graphiques connaissent depuis plusieurs années cinq phénomènes qui les ont fait évoluer avec une grande brutalité :
– une évolution technique considérable qui nécessite d’adapter sans cesse l’outil de travail donc d’investir, alors que l’imprimé est menacé par le numérique et l’offset par l’hélio.
– une concurrence étendue au monde entier qui favorise les pays à faibles salaires, dès lors que les délais et la qualité importent moins.
– une véritable guerre financière pour rafler les entreprises bien équipées au meilleur prix, avec l’aide d’investisseurs internationaux et construire des géants au détriment des PME. Des entreprises historiques sombrent actuellement, comme Oberthur -vous vous souvenez du calendrier de la Poste ?- ou vivotent après de lourds « dégraissages  » comme Lavauzelle.
– une véritable guerre des prix dans laquelle le groupe Maury a joué un rôle non négligeable. Les prix pratiqués ne reposant plus sur les coà »ts de fabrication mais étant établis suffisamment bas -même à perte- pour éliminer ou dévorer les concurrents qui ne pourraient perdre de l’argent trop longtemps.
– des politiques de soutien à leur industrie graphique menées sans respect des engagements internationaux par nos concurrents. Le cas de l’Italie qui vient d’annoncer un plan de soutien de son industrie graphique correspondant à 50% des investissements à faire alors qu’elle est déjà suréquipée, est d’autant plus éloquent que l’empire industriel Berlusconi comprend des journaux, des maisons d’éditions et des imprimeries
Brodard Graphique, superbe outil industriel bien modernisé et doté d’un personnel d’une haute technicité, est au carrefour de toutes ces évolutions. On peut maintenant constater que les dernières années d’investissement du groupe Maury jointes à un « cassage des prix  » qui a affaibli les résultats, ont été une fuite en avant qui trouve aujourd’hui son heure de vérité. En fait, ce sont les donneurs d’ordre, éditeurs et groupes de presse et de publicité qui ont profité de cette guerre des prix. Maintenant, ils se détournent pour rechercher, si nécessaire à l’étranger, les coà »ts les plus bas. Ainsi, les Pages Jaunes.
Cette recherche du profit à tous prix est encouragée par la « concurrence libre et non faussée  », pierre angulaire des politiques européennes fondées sur une idéologie ultra-libérale qui est majoritaire dans les gouvernements européens y compris -malgré les discours qui ne sont que paroles- le nôtre.
Devant le risque d’une crise sociale majeure, le gouvernement a tenté de favoriser une réponse très fidèle à cette idéologie ultra-libérale. Il a cherché à favoriser la fusion du n°2 de l’imprimerie en France, le groupe Circle Printers avec le n°3 le groupe Maury.
En effet, fin 2008, les résultats du groupe Maury se détériorant, ce rapprochement fut envisagé. En Fèvrier 2009, la négociation semblait si bien engagée qu’un dossier fut déposé à Bercy -Ministère des Finances, de l’Industrie et de l’Emploi-, le dossier fut instruit au plus haut niveau, dans un premier temps par la DGCCRF (Direction Génerale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes) qui l’a transmis au Conseil de la Concurrence. Après avis favorable, le dossier est allé sur le bureau du Ministre, Christine Lagarde -Christian Estrosi n’était pas encore membre du gouvernement. En fait, c’est Luc Chatel qui était alors Secrétaire d’Etat auprès de Christine Lagarde qui autorisa le rapprochement entre Maury et Circle Printers, se félicitant de la perspective d’un géant français de l’imprimerie. On peut remarquer qu’en fait ce géant n’aurait eu de français qu’une partie de ses travailleurs et de ses sites industriels.
Le groupe Circle Printers (ex-Québecor) s’appuie sur une nébuleuse financière dont plusieurs fonds d’investissements canadiens, américains et néérlandais. Dans l’opération de fusion avec Maury, c’est le fonds d’investissement HHBV (Homberg et De Pundert), pour l’essentiel néerlandais, qui devait réunir les fonds.
Patatras, le 3 Septembre 2009, un communiqué de M. Maury informe de l’échec de l’opération. « Circle Printers n’a pas trouvé les fonds nécessaires pour boucler cette opération  ». Il participe quelques jours plus tard à la conférence de la CCFI, Conférence des Chefs de Fabrication de l’Imprimerie, sur le thème « Construire l’Europe Graphique de demain  ». Il y est encore présenté comme « un acteur majeur en France et en Europe dans l’impression offset de magazines, de livres, de catalogues et pour tous les services liés aux diverses activités numériques de la communication  ».
Sur le site Caractère -site des professionnels de l’imprimerie- M. Maury donne la baisse du volume des commandes comme motif du dépôt de bilan de Brodard Graphique et il donne « la crise  » comme explication à cette baisse tout en ajoutant « certains titres s’arrêtent, d’autres partent vers l’étranger...  ». Il déclare sacrifier Brodard pour sauver le reste de son groupe.
Résumons : une centaine de travailleurs de notre ville vont être victimes d’une erreur de stratégie de leur patron et d’une politique du « laisser-faire, laisser-passer  » de notre gouvernement.
A chacun d’en tirer les enseignements et d’agir. Le premier devoir est de manifester notre solidarité aux travailleurs concernés et d’y associer la population de notre ville en particulier les commerçants qui vont pâtir de cette déconfiture ; une affichette se soutien aux travailleurs de Brodard serait bienvenue dans les vitrines ; une journée « ville morte  » ne serait pas impensable. Le second est de faire entendre notre voix là où nous pouvons nous faire entendre ; ainsi le Salon Intergraphic qui aura lieu du 12 au 14 janvier au Palais des Congrès à Paris et surtout les prochains Etats Géneraux de l’Industrie que le Ministère organise s’ils ne tournent pas à la farce médiatique comme le débat sur l’identité nationale.
Enfin, il est nécessaire que notre député-maire rende compte non pas de ses bonnes intentions -dont personne ne doute- mais de ses actions concrètes comme maire pour aider une solution favorable à ce drame et comme député pour modifier la politique du gouvernement qu’il soutient. Et ça, j’en doute fortement.
Un exemple : la défiscalisation des heures supplémentaires peut conduire un patron à licencier dans une entreprise de son groupe pour charger les salariés d’une autre usine du groupe d’heures supplémentaires sur lesquelles il ne paie pas de charges. Une rumeur court : dans le groupe Maury ont ferait des heures supplémentaires à Lognes alors qu’on licencie à Coulommiers
Les informations que je viens de vous donner en essayant d’être le plus exact et le plus clair possible auraient eu leur place lors du Conseil Municipal de décembre au cours duquel des élus d’opposition ont demandé que s’exprime la solidarité de la ville avec les travailleurs de Brodard. Au lieu de cela, nous avons eu droit à un refus de faire voter une motion de solidarité et à l’affirmation que compte tenu de ses importantes relations dans les milieux financiers et gouvernementaux Franck Riester était bien placé pour rechercher une bonne solution.
Des sites internet pour continuer à s’informer :
http://www.maury-imprimeur.fr
intéressant pour connaître le groupe Maury, muet depuis mai 2008, permet un lien avec Brodard Graphique
http://filpac-cgt.fr
le syndicat très majoritaire des travailleurs du livre, essentiel pour saisir l’ampleur du problème
http://www.graphiline.com
le plus important site professionnel des arts et industries graphique
http://www.imprimeur.com
site professionnel de l’imprimerie plus orienté vers les PME du secteur
http://www.caractere.com
même type que le précédent
http://www.ccfi.asso.fr
destiné aux professionnels et aux dirigeants du secteur
http://www.com-unic.fr
la plus ancienne organisation patronale du secteur, le Sicogif, la plus importante en nombre d’adhérents mais qui est peu représentée en Ile-de-France et qui ne fédère pas les grands groupes.
André GAILING
Janvier 2010
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